Décarboner notre économie n’est plus un luxe, c’est une urgence. Pour les entreprises, cette transition n’est pas seulement morale ou environnementale : elle est stratégique. Réduction des coûts, anticipation des réglementations, différenciation concurrentielle… S’engager dans une trajectoire bas-carbone, c’est aussi préparer la résilience de son business. Bonne nouvelle : des start-up françaises développent des solutions concrètes, technologiques et accessibles pour accélérer la décarbonation. Voici quatre jeunes pousses qui méritent qu’on s’y intéresse de près.
Carbon Maps : la data au service du secteur agroalimentaire
Le secteur agricole représente plus de 19 % des émissions nationales françaises. Or, il est aussi l’un des plus difficiles à transformer, notamment du fait de sa complexité logistique et des chaînes d’approvisionnement fragmentées. C’est là qu’intervient Carbon Maps, une start-up fondée en 2022 qui s’est donnée pour mission de cartographier précisément l’empreinte carbone des produits alimentaires.
Leur technologie ? Une plateforme SaaS qui aide les entreprises agroalimentaires à calculer, piloter et réduire leurs émissions, non seulement carbone, mais aussi azote, usage des pesticides ou encore consommation d’eau. Les données collectées sur l’ensemble de la chaîne de valeur permettent d’identifier les principaux postes d’émissions et d’agir concrètement : changement de fournisseurs, optimisation logistique, reformulation des produits…
Le tout, en ligne avec les méthodologies du GHG Protocol ou de la base Agribalyse. Des industriels comme Bel, Danone ou Fleury Michon ont déjà adopté l’outil. Et si votre entreprise vend un produit alimentaire – même en circuit court – il y a fort à parier que Carbon Maps peut vous aider à répondre aux attentes croissantes des clients et des distributeurs en matière de transparence environnementale.
Sweetch Energy : produire de l’électricité neutre grâce à l’eau douce
Quand on parle d’énergies renouvelables, on pense souvent au solaire ou à l’éolien. Mais une autre source d’énergie propre, encore peu explorée, pourrait bien changer la donne : l’énergie osmotique. C’est la spécialité de Sweetch Energy, une start-up rennaise fondée en 2015, qui développe une technologie inédite exploitant la différence de salinité entre l’eau douce et l’eau de mer.
La France dispose de plus de 140 embouchures fluviales. Autant d’endroits où l’eau douce des fleuves rencontre l’eau salée des océans. L’enjeu ? Récupérer cette énergie naturelle sans pollution ni émission de gaz à effet de serre. La technologie mise au point par Sweetch repose sur des membranes et des électrodes bio-inspirées qui génèrent un courant électrique au point de rencontre entre ces deux masses d’eau.
Un premier pilote industriel est en cours d’installation dans le delta du Rhône. Objectif de la start-up : produire l’équivalent de plusieurs térawattheures d’électricité d’ici 2030, de quoi alimenter des centaines de milliers de foyers avec une énergie 100 % renouvelable et prévisible.
Un business model robuste, qui combine vente d’énergie et de licences technologiques, rend Sweetch particulièrement attractif pour les investisseurs. Mais c’est aussi une vraie piste d’innovation pour les collectivités et les industriels situés en zones côtières soucieux de verdir leur mix énergétique.
Carbonfact : pour une mode enfin bas-carbone
Les émissions de l’industrie textile dépassent celles du trafic aérien international et maritime combinés. Inquiétant ? Oui. Irréversible ? Non, à condition d’avoir de bons outils. C’est précisément ce que propose Carbonfact, la première plateforme d’analyse carbone dédiée aux vêtements.
Créée en 2021, cette start-up parisienne a développé un moteur d’analyse qui scanne l’impact environnemental des produits textiles depuis la matière première (coton, polyester, lin…) jusqu’à la fin de vie. Le résultat : une étiquette carbone claire, une base de données LCA (analyse du cycle de vie) parmi les plus précises du marché et un tableau de bord de pilotage pour les marques.
Leur ambition ? Aider les marques à enfin mesurer pour mieux réduire. Sur leur plateforme, une marque peut visualiser l’impact climatique de ses collections, identifier les articles les plus problématiques, simuler des changements de matières ou d’usine, et suivre ses progrès dans le temps. En bonus : c’est une solution en libre service, compatible avec les ERP des marques.
Des enseignes comme Asphalte, Loom ou Kleman utilisent déjà Carbonfact pour répondre aux exigences des nouvelles réglementations (loi AGEC ou affichage environnemental) tout en développant une approche produit plus responsable. Si vous êtes dans la mode ou l’accessoire, ce type d’outil peut transformer un simple engagement RSE en véritable levier de performance produit.
Tallano Technologies : réduire les émissions invisibles du transport
Le CO₂ est loin d’être l’unique polluant du secteur automobile. Les particules fines émises par l’usure des freins représentent jusqu’à 20 % des émissions de particules des véhicules. Peu visibles, peu mesurées – mais extrêmement toxiques. Spécialisée dans cette problématique, Tallano Technologies propose le système Tamic®, une innovation unique capable de capter jusqu’à 90 % des poussières émises lors du freinage.
Derrière ce projet, dix ans de R&D et une ambition claire : équiper les voitures, bus ou trains d’un système aussi essentiel que le filtre à particules l’est devenu pour les moteurs diesel. Plusieurs acteurs du transport, comme la SNCF ou les fabricants de systèmes de freinage, testent déjà cette technologie.
Les perspectives économiques sont solides. En 2025, une nouvelle réglementation européenne pourrait imposer des plafonds d’émissions pour toutes les sources de particules, y compris celles issues des freins. Pour les constructeurs et opérateurs de flottes, anticiper cette évolution en intégrant le système Tamic® peut devenir un atout réglementaire et réputationnel majeur.
Au-delà des transports, la technologie de Tallano ouvre la voie à une approche plus systémique de la pollution urbaine : invisible mais mesurable, coûteuse pour la santé publique… et donc sujette à réglementation.
Ce que ces start-up nous enseignent
Dans un contexte où les réglementations se durcissent et où les attentes des clients évoluent, ignorer l’impact climat de son activité revient à manquer une opportunité stratégique. Les quatre start-up présentées ici ne réinventent pas forcément la roue : elles apportent des solutions ciblées, techniquement solides, applicables rapidement, et surtout… très orientées business.
Voici quelques enseignements concrets que tout entrepreneur peut en tirer :
- Mesurer pour agir : sans données fiables sur vos émissions, difficile d’agir intelligemment. Des outils comme Carbon Maps ou Carbonfact facilitent ce travail de diagnostic, même pour les TPE.
- Innover autrement : la décarbonation n’est pas qu’une affaire de ROI immédiat. Parier sur des technologies comme l’énergie osmotique, c’est aussi jouer un rôle de pionnier et d’acteur du changement.
- Anticiper la réglementation : l’exemple de Tallano illustre comment une veille réglementaire active peut devenir un levier de différenciation. Qui sera prêt à livrer une flotte zéro particule en 2025 ?
- Penser chaîne de valeur : la décarbonation ne se joue pas uniquement dans vos bureaux ou ateliers. Elle implique vos fournisseurs, vos distributeurs, vos clients. Travailler avec les bons outils, c’est remettre de la cohérence dans tout le cycle de production.
Et au fond, c’est aussi ça, entreprendre demain : résoudre les problèmes d’aujourd’hui avec les solutions d’après-demain. La transition bas-carbone n’est pas un frein à la croissance. Elle en est déjà l’un des moteurs les plus puissants, pour peu qu’on sache s’en emparer.
Vous avez une idée ou un projet en lien avec la décarbonation ? N’attendez pas le prochain rapport du GIEC ou la réforme fiscale qui surgira avant 2026. Testez, mesurez, pivotez, corrigez. Car comme le disait Lord Kelvin : « Si vous ne pouvez pas le mesurer, vous ne pouvez pas l’améliorer. »