Comment la blockchain révolutionne la traçabilité des produits dans le commerce

Comment la blockchain révolutionne la traçabilité des produits dans le commerce

Jusqu’à récemment, la traçabilité des produits dans le commerce tenait plus du casse-tête administratif que d’un outil stratégique. Fiches papier, systèmes d’information cloisonnés, dépendance aux déclarations des fournisseurs… Résultat : un manque de transparence, des coûts élevés, et une confiance vacillante entre les maillons de la chaîne. Et si la blockchain, souvent évoquée pour les cryptomonnaies, était en train de changer la donne ? Focus sur une technologie qui redessine les règles du jeu, du champ au consommateur.

Pourquoi la traçabilité est devenue un enjeu clé pour les entreprises

Une traçabilité maîtrisée, ce n’est pas seulement répondre aux exigences réglementaires. C’est désormais un levier de compétitivité dans de nombreux secteurs :

  • Confiance client : 74% des consommateurs français se disent plus enclins à acheter un produit dont ils connaissent la provenance (source : Kantar, 2023).
  • Gestion des risques : localiser rapidement un lot défectueux ou contaminé permet d’éviter une crise de réputation… et des pertes financières majeures.
  • Responsabilité environnementale : identifier l’empreinte carbone d’un produit nécessite une vue fine de chaque étape de la chaîne logistique.

En clair, la demande en transparence ne vient plus seulement des autorités : elle émane aussi des consommateurs, des partenaires et même des investisseurs.

Qu’est-ce que la blockchain (vraiment) ?

On l’associe trop rapidement au Bitcoin, mais la blockchain est avant tout un système d’enregistrement décentralisé et infalsifiable. Imaginez un grand livre comptable ouvert, auquel chaque acteur de la chaîne peut ajouter une ligne, mais personne ne peut en retirer une sans laisser de trace. Chaque information inscrite est horodatée, chiffrée et validée par consensus. Résultat : une base de données sécurisée, partagée et transparente.

Cette architecture permet d’enregistrer de façon fiable des événements clés dans la vie d’un produit : récolte, transformation, transport, stockage, distribution… Avec, à la clé, des gains importants en efficacité, en fiabilité et en confiance.

Cas concret : comment Carrefour pilote la traçabilité de ses produits grâce à la blockchain

En 2018, Carrefour a été l’un des premiers distributeurs européens à déployer un système de traçabilité basé sur la blockchain. Objectif : permettre aux clients de retracer l’histoire complète d’un produit alimentaire en scannant simplement un QR code sur l’emballage.

Appliqué d’abord au poulet d’Auvergne, le projet s’est rapidement étendu à une dizaine de filières : œufs bio, tomates, lait, oranges… Chaque produit embarque une « fiche d’identité » enregistrée via la blockchain IBM Food Trust™ :

  • Date de ponte ou d’abattage
  • Nom du producteur
  • Conditions de transport

Résultat : 80% des consommateurs qui consultent ces données déclarent mieux “comprendre” ce qu’ils achètent, et se disent prêts à accorder davantage leur confiance à l’enseigne.

Blockchain et PME : quels usages possibles, dès maintenant ?

La technologie n’est plus réservée aux mastodontes du retail. Des solutions accessibles existent pour les TPE et PME, notamment dans les secteurs suivants :

  • Agroalimentaire : garantir l’origine géographique, les méthodes de production biologique ou encore le respect du bien-être animal.
  • Textile : tracer les matières premières, vérifier les conditions sociales de production, certifier l’upcycling.
  • Cosmétique & santé : renforcer la sécurité des produits pharmaceutiques, lutter contre la contrefaçon, valoriser des ingrédients naturels tracés.

Un exemple : Tilkal, une startup française, propose une plateforme de traçabilité basée sur blockchain, déjà utilisée par des industriels comme Bel ou L’Oréal. Grâce à une API simple à intégrer, les entreprises collectent automatiquement les données dès la production, les scellent dans une blockchain et peuvent les partager en toute sécurité avec leurs partenaires ou leurs clients.

Quels bénéfices concrets pour l’entreprise ?

Qu’on se le dise : la blockchain n’est pas une baguette magique. Mais quand elle est bien intégrée dans les processus métier, elle apporte des gains mesurables :

  • Réduction des coûts de non-qualité : une identification plus rapide des défauts permet de limiter les rappels de lots.
  • Moins de fraudes ou de contrefaçons : les produits sont enregistrés de manière infalsifiable à chaque étape.
  • Amélioration du dialogue fournisseurs : les données partagées de manière sécurisée renforcent le pilotage de la chaîne logistique.
  • Atout commercial : preuve de transparence, différenciation produit, notoriété renforcée.

Des études récentes ont montré que l’adoption de la blockchain en supply chain pouvait générer jusqu’à 10 % de réduction de coûts liés aux litiges logistiques et jusqu’à 25 % d’augmentation du taux de satisfaction client (source : Capgemini Research Institute, 2022).

Mais concrètement, combien ça coûte ?

Excellente question. Comme toute technologie, le coût dépend de l’ampleur du déploiement. Pour une PME, il existe aujourd’hui des offres modulables, souvent en mode SaaS, avec un abonnement mensuel à partir de quelques centaines d’euros par mois. Le prix peut grimper si l’entreprise souhaite personnaliser ou intégrer plusieurs flux complexes.

Il faut aussi penser en termes de retour sur investissement : un contrôle qualité renforcé, moins de pertes, plus de ventes grâce à une meilleure valorisation produit. Ça, ça parle aux financiers. D’autant qu’il est possible de commencer petit, sur une gamme pilote par exemple, et de déployer plus largement ensuite si le test est concluant.

Ce qu’il faut anticiper avant de se lancer

Oui, la blockchain séduit. Mais un projet de traçabilité réussi repose sur un prérequis fondamental : la qualité des données. Une chaîne est aussi solide que son maillon le plus faible.

Voici les points à travailler en amont :

  • Audit des processus actuels : comment sont collectées et partagées les infos logistiques, qualité, fournisseurs ?
  • Engagement des partenaires : sans leur implication, la chaîne de traçabilité sera partielle (ou biaisée).
  • Formation des équipes internes : comprendre les atouts de la blockchain et adopter les bons réflexes de saisie et de contrôle.

Le piège serait de considérer la blockchain comme un gadget révolutionnaire à greffer sur un existant défaillant. Sans données propres, pas de miracle numérique.

Avenir : vers une traçabilité augmentée… pour tous ?

Dans les cinq prochaines années, on peut s’attendre à une généralisation de la blockchain dans les secteurs à chaînes complexes : pêche, cacao, électronique… Et ce, pas seulement pour répondre à la pression réglementaire (loi AGEC, CSRD) ou à la demande client, mais aussi pour nourrir une stratégie globale de durabilité.

À moyen terme, on verra apparaître de nouveaux services construits sur ces bases de données fiables : calculette d’empreinte carbone produit, score environnemental dynamique, certification automatisée… C’est tout un pan du e-commerce et du retail qui va se transformer.

La question n’est plus tant « faut-il y aller ? », mais plutôt « comment bien y aller, et à quel rythme ? »

Pour les entrepreneurs de demain, le défi est de taille. Mais il s’accompagne d’une opportunité rare : celle de prouver, de démontrer, de montrer – au pixel près – ce qu’est une chaîne de valeur responsable. Et ça, ça commence maintenant.