Le contexte : une start-up verte… à financer
Lancer une start-up à impact environnemental n’a jamais été aussi pertinent. L’urgence climatique, les mutations réglementaires et la pression citoyenne poussent les entreprises à repenser leurs modèles. Bonne nouvelle : l’écosystème du financement s’adapte lui aussi. Fonds spécialisés, dispositifs publics, investisseurs à impact… les solutions existent. Encore faut-il savoir où chercher et comment structurer son dossier pour convaincre.
Dans cet article, je vous propose un tour d’horizon pragmatique et actionnable des principales options pour financer une start-up verte en 2024. Objectif : vous permettre d’identifier les leviers utiles, en évitant les pièges classiques.
Définir son projet et son impact : la première étape clé
Avant même de parler de financement, un conseil simple : soyez capable de démontrer clairement l’impact environnemental de votre solution. Trop d’entrepreneurs viennent pitcher leur “start-up green” sans preuve d’impact mesurable. C’est une erreur stratégique.
Que ce soit pour réduire les émissions de CO₂, préserver la biodiversité, limiter la consommation d’eau ou promouvoir l’économie circulaire, il vous faudra :
- Définir des indicateurs d’impact (ex : tonnes de CO₂ évitées, litres d’eau économisés, % de matériaux recyclés…)
- Anticiper une méthode de mesure fiable (LCA – Analyse du cycle de vie, bilan carbone, etc.)
- Vous appuyer sur une documentation sectorielle fiable (ADEME, France Stratégie, etc.)
Cela renforcera la crédibilité de votre projet, surtout auprès des investisseurs et des institutions publiques.
Les aides publiques : un point de départ souvent sous-estimé
Premier réflexe à avoir : explorer les aides non dilutives. En plus de préserver votre capital, elles permettent souvent de financer les premières phases du projet (proof of concept, R&D, prototypage).
Voici quelques guichets à considérer :
- BPI France : Elle propose une gamme complète de solutions spécialement pensées pour les start-ups à impact (subventions, avances remboursables, prêts d’amorçage). Le Contrat d’Innovation et le fonds Ecotechnologies sont de bons points de départ.
- ADEME : L’Agence de la Transition Écologique ne se limite pas à la sensibilisation. Elle finance activement des projets innovants sur l’économie circulaire, l’énergie, ou la mobilité durable, notamment via son appel à projets Perfecto ou Tremplin.
- Régions et collectivités : Chaque région possède ses propres aides à l’innovation ou à la transition. Vérifiez les dispositifs disponibles sur le site aides-entreprises.fr.
Astuce : combinez plusieurs dispositifs (ex. subvention ADEME + prêt d’honneur Initiative France) pour maximiser vos ressources sans dilution.
Les investisseurs à impact : de plus en plus nombreux, mais sélectifs
Depuis quelques années, les fonds “à impact” se multiplient. En 2023, près de 2,7 milliards d’euros ont été levés en France par des fonds orientés transition ou ESG (environnement, social et gouvernance). C’est une tendance de fond.
Voici quelques structures à connaître :
- 360 Capital Green Fund : centré sur la greentech et le climat
- Demeter Partners : spécialisé dans les énergies renouvelables, la ville durable
- Alter Equity : connu pour son approche rigoureuse de l’impact et du social
- Makesense Seed I : dédié aux projets à fort engagement environnemental ou sociétal
Mais attention : ces fonds ne financent pas “des idées”. Il faut un modèle économique solide, un plan de croissance crédible et bien sûr… un impact climat démontrable.
Le capital-risque traditionnel : est-ce toujours une option ?
Les VC “classiques” ne tournent pas le dos aux projets verts, loin de là. Mais ils attendent un alignement business clair : croissance rapide, scalabilité, marges. Si vous cochez ces cases, bâtir un dossier orienté croissance responsable peut séduire.
Pensez à articuler votre pitch ainsi :
- Quel problème environnemental majeur résolvez-vous ?
- Quelle est votre solution et pourquoi elle est unique ?
- Comment comptez-vous gagner de l’argent (et en faire gagner à vos investisseurs) ?
- Quel est votre plan à 12, 24, 36 mois ?
Tips : ne vous enfermez pas dans la case “start-up éthique mais non rentable”. Montrez que l’impact renforce la performance. Dans un monde qui se décarbone, les modèles alignés climat sont aussi des opportunités économiques solides.
Le crowdfunding : une alternative pertinente pour certains secteurs
Le financement participatif a montré son utilité pour tester un concept, valider un marché ou rassembler une communauté autour d’un projet engagé. En 2022, le crowdfunding environnemental représentait plus de 130 millions d’euros levés en France.
Deux formes principales :
- Le don avec contreparties (Ulule, KissKissBankBank) : utile pour les produits physiques ou les innovations B2C visibles
- Le crowdequity / crowdlending (Lita.co, WiSEED, Enerfip): levées en actions ou en obligations avec impact environnemental mesurable
Exemple : la start-up Héole, qui développe des voiles solaires pour la marine, a levé plus de 300 000 euros via Lita.co en 2023. Campagne bien ficelée, bilan CO₂ précis, équipe crédible : les investisseurs n’ont pas hésité.
Les concours et prix : bien choisir ses batailles
Chaque année, des dizaines de concours sont dédiés à l’innovation verte. Certains apportent des financements importants, mais tous vous offrent de la visibilité et un effet levier non négligeable auprès des banques ou fonds.
À surveiller :
- Prix de l’Innovation de la Fondation Solar Impulse
- Concours i-Nov et i-Lab (pilotés par BPI et le SGPI)
- Pépites des Pionniers par France Active
Attention à ne pas disperser vos efforts. Adaptez votre candidature aux critères de l’appel. Beaucoup d’entrepreneurs passent à côté faute de pédagogie ou de rigueur dans le dossier.
Les business angels à impact : un levier local souvent sous-utilisé
Contrairement à l’image du “BA techno”, certains réseaux de business angels s’organisent autour de l’impact. Ils peuvent accompagner des projets en phase d’amorçage ou de pré-commercialisation, là où les fonds hésitent.
Quelques acteurs à connaître :
- WeLikeImpact (branche à impact de WeLikeStartup)
- Angels for Climate
- Réseau Entreprendre (via leur label Impact + écologique)
Ici, le relationnel compte autant que le pitch. N’hésitez pas à participer à des événements type “impact investing”, salons de la green tech, ou forums territoriaux.
Miser sur un modèle hybride : la voie de plus en plus courante
De nombreuses start-ups vertes combinent plusieurs sources de financement pour avancer par phases. Exemple classique :
- Subvention ADEME pour le prototype
- Prêt d’honneur + prêt bancaire garanti BPI pour l’industrialisation
- Crowdequity ou seed avec un fonds à impact
Ce type de stratégie permet de diluer le capital au bon moment, de garder le contrôle tout en testant son produit sur le terrain avec un minimum de trésorerie.
Petit rappel utile : ne cherchez pas seulement de “l’argent”. Cherchez des partenaires qui comprennent votre mission et peuvent vous accompagner sur 3 à 5 ans avec alignement stratégique.
Et après le financement initial ? Penser scalabilité et rentabilité
Obtenir ses premiers financements n’est qu’une étape. Très vite, les questions de rentabilité, d’industrialisation, voire d’internationalisation vont émerger. Là encore, le financement vert continue d’évoluer avec :
- Les Green Bonds ou obligations vertes (éligibles à partir d’un certain chiffre d’affaires)
- Le label GreenFin pour attirer des fonds ISR
- Des accélérateurs spécialisés dans la croissance verte (INCO, Soscience, Climate-KIC…)
La transition écologique ne fait que commencer. Les porteurs de projets engagés et bien structurés ont donc une carte à jouer… à condition de préparer leur stratégie financière avec autant de soin que leur innovation technique.
À retenir : vous ne manquez pas d’options pour financer votre start-up verte. Mais vous devez prouver, chiffres à l’appui, que vous alliez performance économique et impact environnemental réel. Détaillez vos coûts, ouvrez votre tableur, testez votre business model. Et parce qu’entreprendre n’est jamais un sport solitaire : entourez-vous, écoutez les retours, ajustez. Vous construisez peut-être plus qu’une entreprise : vous posez une brique de l’économie de demain.