Former les jeunes aux métiers de la transition énergétique : une urgence nationale

Former les jeunes aux métiers de la transition énergétique : une urgence nationale

Un enjeu stratégique pour notre souveraineté énergétique

Face à l’urgence climatique et au besoin croissant d’indépendance énergétique, la France s’est engagée dans une ambitieuse transition énergétique. Mais derrière les chiffres et les déclarations d’intention se cache une réalité préoccupante : sans main-d’œuvre qualifiée, la transition restera un vœu pieux.

Installer des panneaux solaires, isoler les bâtiments, développer des réseaux de chaleur ou encore moderniser nos infrastructures électriques, tout cela nécessite des compétences techniques précises. Or, nous faisons face à une pénurie majeure : selon une étude de France Stratégie en 2022, plus de 300 000 emplois liés à la transition énergétique devront être pourvus d’ici 2030. Aujourd’hui, les filières peinent déjà à recruter. Le besoin est immédiat, massif et durable.

Former les jeunes à ces métiers, c’est répondre à trois urgences en une : environnementale, économique et sociale. Il est temps de passer à l’action – concrètement et stratégiquement.

Des métiers en tension, pourtant porteurs de sens

La transition énergétique ne se résume pas à des technologies vertes. Elle repose sur des talents humains, dans des filières parfois trop méconnues ou sous-valorisées auprès des jeunes.

Parmi les métiers les plus recherchés :

  • Technicien en génie climatique et énergétique
  • Installateur de panneaux photovoltaïques
  • Ingénieur en efficacité énergétique du bâtiment
  • Chargé d’exploitation de réseau de chaleur
  • Spécialiste en rénovation thermique

Selon l’ADEME, plus de 100 000 professionnels du bâtiment devront être formés d’ici 2025 pour répondre aux objectifs de rénovation énergétique. À côté, les filières des énergies renouvelables (ENR) voient leur croissance accélérer : +16 % d’emplois dans l’éolien et +25 % dans le solaire entre 2020 et 2023, selon les chiffres du SER (Syndicat des énergies renouvelables).

Ces métiers offrent un emploi stable, un impact direct sur la lutte contre le changement climatique et, souvent, de belles perspectives d’évolution. Mais ils souffrent encore d’un déficit d’image.

Pourquoi les jeunes ne s’y projettent pas (encore)

Le problème n’est pas tant l’absence de débouchés… que l’absence de projection. De nombreux jeunes ignorent tout simplement l’existence de ces formations, ou les associent à des métiers pénibles et peu valorisés.

Une enquête menée par le Céreq en 2023 montre que seuls 18 % des élèves de terminale envisagent une filière liée à l’énergie ou à l’environnement, malgré une appétence croissante pour les questions écologiques.

Explication ? Une orientation souvent trop généraliste ou mal informée, une méconnaissance des parcours professionnalisants et un manque d’exemples concrets dans l’entourage immédiat.

Ce n’est pas une fatalité. Des initiatives locales commencent à inverser la tendance… encore faut-il les amplifier.

Des exemples qui marchent (et qu’il faut démultiplier)

À Saint-Nazaire, le lycée Brossaud-Blancho propose depuis 2019 une option “technicien en maintenance des systèmes énergétiques”, en lien direct avec le développement du parc éolien offshore. Résultat : 90 % d’insertion professionnelle à la sortie, avec des parcours qui attirent enfin les jeunes du cru.

Même dynamique du côté de Strasbourg, où l’École des Métiers de l’Énergie (EME) a lancé une formation diplômante en partenariat avec EDF et la Région Grand Est. L’école a triplé ses effectifs en 5 ans, et forme désormais des jeunes dès le bac professionnel à des postes techniques bien rémunérés.

Ces programmes réussissent grâce à trois ingrédients simples :

  • Un ancrage local fort, avec des entreprises partenaires
  • Une pédagogie concrète et immersive (ateliers, visites de chantiers, stages)
  • Une communication transparente sur les débouchés et les rémunérations

Les jeunes ont besoin de concret, pas de slogans vagues. Montrer, faire toucher du doigt, valoriser les réussites, c’est ainsi qu’on construit des vocations durables.

Ce que les entreprises peuvent (et doivent) faire

Attendre que l’Éducation nationale règle seule la question serait contre-productif. Les employeurs ont un rôle stratégique à jouer.

Voici quelques leviers d’action immédiats :

  • Ouvrir leurs portes : accueillir des classes, proposer des stages dès la seconde, organiser des journées métiers
  • Participer aux programmes de formation : en intervenant dans les lycées techniques ou en accueillant des apprentis
  • Co-construire des parcours professionnels : créer des cursus en alternance en lien avec les régions et les branches professionnelles

Pour les PME, parfois moins visibles que les grands groupes, c’est une opportunité de se positionner comme employeurs engagés et attractifs. Et d’ancrer les compétences sur leur territoire.

Petit rappel utile : les aides de l’État pour l’apprentissage atteignent jusqu’à 6 000 € par contrat signé. Former, c’est aussi investir intelligemment.

Redonner ses lettres de noblesse à la filière technique

Un point de blocage majeur réside dans la perception négative des filières techniques. Trop souvent, on les présente comme un plan B pour les élèves « moins académiques ». C’est non seulement erroné, mais contre-productif.

Rénover un bâtiment ancien, optimiser un réseau de chaleur, piloter l’intermittence des ENR : ces missions mobilisent des compétences pointues, mêlant analyse, technologie et savoir-faire terrain. Il est temps de le faire savoir.

Changer ce regard passe aussi par les parents, les enseignants et les médias. Valoriser les parcours exemplaires, les reconversions réussies, et montrer que ces métiers ne sont pas ceux « du passé », mais bien ceux de l’avenir.

Et pourquoi ne pas imaginer des campagnes nationales façon “Deviens technicien.ne de la transition” sur le modèle des campagnes pour l’armée ou le numérique ? Les talents ne se devinent pas… ils se cultivent.

Investir maintenant pour ne pas payer plus tard

Ne pas former aujourd’hui, c’est creuser le déficit de demain. Pensez au chantier de rénovation énergétique du parc immobilier : le ministère de la Transition écologique estime qu’il faudrait rénover 500 000 logements par an. En 2023, on atteint péniblement 250 000… faute de main-d’œuvre qualifiée.

Idem pour les énergies renouvelables : sans soudeurs, grutiers, câbleurs ou pilotes de maintenance, les nouvelles installations stagnent, malgré les investissements engagés.

Il ne suffit pas de voter des lois ou de lancer des plans. Il faut des bras, des têtes et des outils. Et cela se prépare dès maintenant, banc d’école par banc d’école.

Former les jeunes à la transition énergétique, ce n’est pas une option. C’est une urgence stratégique nationale. Pour accélérer vraiment, construisons l’écosystème de compétences dès aujourd’hui, et faisons-en une priorité partagée par l’État, les entreprises et les territoires.

La France ne manque pas de jeunesse, d’énergie ni de bonnes idées. Ce qu’il faut maintenant, c’est connecter les trois.